"Mon voyage vers la rédemption"

Témoignage surdités
Accroche

Antoine 32 ans vit avec des acouphènes depuis bientôt 3 années. Il raconte son parcours.

Témoignages - Publié le 20/11/2023 - Mis à jour le 07/03/2024

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De Antoine G.

Les témoignages présentés ici sont des expériences personnelles et ne représentent pas nécessairement les positions officielles de la Fondation Pour l'Audition. Chaque personne s'exprime librement afin d'illustrer la pluralité des expériences liées aux surdités.


L’été 2020 a été chamboulé par l’arrivée d’un symptôme et non d’une maladie comme je pouvais le qualifier à ce moment-là, des « acouphènes » associés à de l’hyperacousie. Ce mot ne m’était pas méconnu car étant musicien amateur et passionné de guitare, j’avais connaissance d’artistes atteints de ce symptôme.

Je peux citer : Éric Clapton, Brian Johnson ou Grand Corps Malade et l’artiste belge du moment Angèle. Alors oui vous allez me dire que c’est peut-être lié à mon passé de musicien, le dernier en date ma participation au stade de France pour le Rockin’1000 2019 « Rock’N Roll ».

Néanmoins, sensibilisé à ce sujet je me suis toujours protégé au maximum pour éviter la dégradation de mon audition. En me réveillant un dimanche matin avec cet évènement dans ma vie vous vous doutez bien que ça a été difficile pour moi de l’accepter… Je suis passé par toute les phases comme si c’était une rupture avec ma vie d’avant. Cette sensation que je vais devoir faire le deuil de ma vie passée.

Le choc

Si je pouvais la définir en un mot cette première phase, ça serait « l’incompréhension ».

Je pense que ma première question était, pourquoi moi ? Totalement abasourdi par cet événement et le manque de sommeil qui commence à se faire ressentir dans mon quotidien. Je n’arrive pas à avancer dans ma vie sans que ces acouphènes ne m’affectent. Le bruit ne fait que m’agresser. Je suis paralysé par la situation et je n’arrive plus à réfléchir. Les larmes sont devenues mon quotidien. Je me rappelle encore cette salle d’attente d’une clinique pour un rdv ORL, ou le moindre message d’encouragement me faisait craquer. Je retenais mes larmes face au médecin qui m’indiquait que j’avais une très bonne audition et que ces acouphènes sont liés à un « stress ». Difficile de digérer ce premier diagnostic.

La colère

Je ne comprenais pas ce qui m’est arrivé. Comment cet événement était survenu dans ma vie et je me demandais si c’était une erreur de ma part. Me voilà parti à la recherche d’une cause. Je me disais que je m’étais détruit moi-même. Je passais des journées à regarder sur le net des articles sur les acouphènes sans pour autant trouver une solution. Je suis allé voir plusieurs ORL spécialisés dans le domaine sans pour autant avoir des réponses. J’ai essayé de refaire le film de ma vie mais je sentais bien que la colère ne faisait que remonter en moi. Une rage contre le Antoine d’avant. Je n’avais plus aucune bienveillance vis-à-vis de mon corps ni même de l’amour envers moi-même, je ne le supportais plus. J’ai débuté à ce moment-là un suivi en psychothérapie psychologique afin d’évacuer mes ressentis et de comprendre au mieux la situation grâce à la sophrologie. Ma sophrologue m'a proposé plusieurs exercices dans la journée pour diminuer mes angoisses et un autre au couché pour améliorer le sommeil. J’avais tendance à avoir des « crises d’angoisse » et un sommeil compliqué, après environ deux semaines d’exercices, le résultat fut enfin concluant. Je me sentais plus soulagé dans la journée et j’arrivais à m’endormir en étant apaisé et sans être focalisé sur mon acouphène.

Avec le recul, je savais que j’avais vécu plusieurs années difficiles, une rupture amoureuse douloureuse, un confinement seul dans un petit studio et un décès familial qui m’a beaucoup affecté sur le plan émotionnel. Mais j’étais à des années lumières de penser que ces évènements pouvaient impacter mon corps et être une cause probable de l’arrivée de ces symptômes.

L'anxiété 

La phase la plus compliqué que j’ai dû surmonter c’était « l’anxiété ». A ce moment-là, je ne réalisais pas encore ce qui m’arrivait. En quelques sorte, je refusais de l’accepter. J’ai commencé à n’avoir plus envie de rien. Ne voyant pas le bout du tunnel, je commençais à avoir des « idées noires », à baisser les bras et ne plus être en mesure d’affronter cet événement et ni à le convertir en quelques chose de « positif » et le transformer en force. A ce moment, je me suis résigné à prendre des anxiolytiques. Difficile pour moi d’accepter d’avaler cette pilule une fois par jour. Après une prise régulière, j’avais la sensation d’être présent sans pour autant être là. Mon esprit ne se concentrait plus vraiment sur les acouphènes. J’étais comme sur un nuage qui vadrouille dans les airs.

Dans mon entourage, j’avais connaissance de personne dépressive qui est devenue dépendante des anxiolytiques. Je craignais de reproduire le même schéma. Ma volonté première était de réussir à faire disparaître cette pilule de mon quotidien, afin de ne pas créer une dépendance. Après plusieurs recherches d’ORL, j’ai enfin trouvé une ORL à l’écoute et à la recherche de la cause.

Je suis également suivi par un audioprothésiste, pour être appareillé, diminuer la sensation des acouphènes et supporter les endroits bruyants. A la suite d’examen clinique, il s’est avéré que j’ai des micro-pertes auditives sur les hautes fréquences mais malgré cela j’ai une très bonne audition. Difficile à comprendre…

Durant cette phase de recherche d’une cause par le corps médical, je n’espérais qu’une chose c’est « d’avoir un résultat concret matériel ».

A un tel point qu’après le retour d’examen d’une IRM ne mentionnant aucune anomalie, j’étais impacté émotionnellement de ne pas être atteint d’une grave maladie.

Je me suis entouré par un « protocole pluridisciplinaire » ; j’étais suivi par une ORL une psychologue, un médecin généraliste et un audioprothésiste. Tous les membres de l’équipe interagissaient entre eux pour m’accompagner au mieux dans mon processus « d’acceptation ». Je dois avouer que ce protocole m’a beaucoup aidé à relativiser par rapport à mon symptôme et à progresser pour accepter ma situation. Sans cet encadrement, je ne pense pas que j’aurai pu surmonter cette épreuve avec la même approche.

L'acceptation : enfin je renais

Plusieurs mois après de combat, je commençais à voir le bout et à être vers la voie de la résilience…
 

Je me rappelle encore d’avoir eu un échange durant lequel ma psy m’a dit « Antoine, prends le temps de regarder le chemin parcouru en si peu de temps ».

C’est vrai que je ne réalisais pas que depuis l’arrivée de ce symptôme j’étais devenu plus fort, plus mature. Je n’étais plus à la recherche d’une cause car j’avais, enfin, « accepté ».

Je pense que le fait d’être écouté par ma psychologue m’a permis de prendre conscience qu’il ne fallait pas me battre contre ce symptôme mais plus-tôt apprendre à vivre avec et avancer.

Si aujourd’hui je parle de mon parcours, c’est pour mettre en avant le fait que même si le chemin peut être long, il est source de réussite.

Je ne suis pas « guéri » mais j’apprends à vivre avec ce symptôme au quotidien et « j’ai adapté ma vie ».

Cette adaptation commence par une meilleure gestion du stress grâce à une pratique sportive régulière et une alimentation saine et équilibrée. La réduction de prise d’excitants comme l’alcool et le café que j’ai remplacés par les infusions ou le café décaféiné, L’amélioration du sommeil avec la pratique de la sophrologie associée aux huiles essentielles tel que l’Ylang Ylang et la prise de médicament relaxants à base de plantes comme les euphytoses.

En respectant cette hygiène de vie, je suis devenu plus à l’écoute de mon corps ; j’ai réussi à déterminer, un lien direct entre ces facteurs (stress, manque de sommeil, sédentarité) et l’évolution de mon ressenti acouphénique.

Avec du recul, je me rends compte que les acouphènes m’ont ouvert les yeux sur l’importance « d’être à l’écoute de son corps ». Par le passé, j’étais constamment dans une quête de la performance et de la perfection sur le plan professionnel et personnel. Les acouphènes sont surement un signal d’alerte envoyé par mon corps.

J’espère que d’autres personnes acouphéniques se reconnaitront dans ce témoignage à cœur ouvert et que mon expérience leur donnera un espoir, de la force et du courage pour affronter ce challenge et réussir à reprendre LEURS VIES en main.

Je ne me suis toujours pas réconcilié avec ma première passion qui est la musique mais j’y arriverai, le chemin n’est pas encore terminé !

Un grand MERCI à ma famille pour son soutien inconditionnelle, à ma femme pour son écoute et sa compréhension, à ma thérapeute pour son approche et à l’ensemble du corps médical.