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Müller Ulrich

Prix scientifiques - 2024

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Lauréat du Grand Prix Scientifique 2024 de la Fondation Pour l'Audition

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Statut du soutien : actif 

Le Grand Prix Scientifique de la Fondation Pour l’Audition 2024 est décerné au professeur Ulrich Müller. Il est récompensé pour la découverte de la fonction des gènes codant pour la machinerie cellulaire complexe qui permet la transformation des ondes sonores par les cellules de l’audition dans l’oreille interne en signaux électriques interprétables par le cerveau. Ces travaux ont ouvert la voie au développement de thérapies pour les formes génétiques de surdité. Des essais cliniques prometteurs sont aujourd’hui en cours.

Titulaire de la chaire « Bloomberg », Ulrich Müller est professeur de neurosciences et de biologie et directeur du département des neurosciences du développement à la faculté de médecine de l'Université Johns Hopkins à Baltimore (États-Unis).

 

SES TRAVAUX

Le professeur Müller a consacré ses recherches à l’identification et à l’étude des composants de la machinerie de mécanotransduction des cellules ciliées à l’origine de l’audition, c’est-à-dire des mécanismes moléculaires par lesquels ces cellules de l’oreille interne convertissent les ondes sonores mécaniques en signaux électriques pour le cerveau. Tout défaut dans ce mécanisme complexe entraîne une surdité, le déficit sensoriel le plus commun chez l’homme.

Que se passe-t-il lorsque les sons arrivent dans l’oreille interne ? Des cellules spécialisées, les cellules ciliées, perçoivent ces signaux sonores (figure A). Ces cellules doivent leur nom au fait qu’elles ont à leur sommet des protubérances ressemblant à des cils, les « stéréocils », qui sont reliés les uns aux autres par de fins filaments, les « tip link » (figure B). Lorsqu’une onde sonore parvient aux stéréocils, ceux-ci sont courbés par la vibration et ce mouvement entraîne l’ouverture de canaux ioniques – appelés « canaux de mécanotransduction ou canaux MET » – situés dans la membrane des cellules ciliées et reliés aux tip link. L'entrée d'ions via ce canal déclenche la libération de molécules chimiques par les cellules ciliées en direction des neurones qui y sont connectés. Ce signal chimique génère alors des signaux électriques qui se propagent dans le cerveau, qui les décode pour permettre l’audition.

Figure A et B en FR

Le puzzle de la machinerie des cellules ciliées

Lorsque le professeur Müller a commencé ses recherches, les principes de la mécanotransduction étaient connus, mais les molécules impliquées n'avaient pas encore été découvertes. Sa principale contribution a été d'identifier un grand nombre de ces molécules : en utilisant les outils de la génétique, de la biologie moléculaire et de l'électrophysiologie, son laboratoire a décortiqué, étape par étape, la fonction des gènes codant les protéines de la machinerie de mécanotransduction des cellules ciliées. Pour cela, son équipe a généré un grand nombre de lignées de souris porteuses de différentes mutations et a également collecté des lignées de souris supplémentaires auprès de collaborateurs. Son laboratoire a ainsi identifié des gènes responsables de surdité nécessaires à la mécanotransduction, un travail de longue haleine. Notamment, il a découvert que deux des gènes codent des protéines qui forment les tip link (CDH23 et PCDH15), et qu'une protéine supplémentaire (LHFPL5) couple ce tip link au canal de mécanotransduction. Son laboratoire a également démontré que le canal de mécanotransduction MET est codé par plusieurs gènes, dont il a caractérisé trois des protéines constitutives (TMIE, CIB2, CIB3), ainsi que des composants du tip link (protéines Harmonin, Sans et MYO7A) qui interagissent dans un complexe avec CDH23 pour réguler la mécanotransduction et la tension du tip link (Figure C). Aujourd'hui, ce travail est toujours en cours en raison de la complexité inattendue de cette machinerie.
 

Figure C Ulrich Müller

 

De nouvelles approches thérapeutiques pour le traitement de la surdité

Les génomes de la souris et de l’homme sont très similaires et les mutations génétiques responsables de surdité chez la souris provoquent souvent une surdité chez l’homme. Aussi, souhaitant développer des applications pour les patients, le Pr Müller a progressivement commencé à collaborer plus étroitement avec les médecins. Il a ainsi cofondé unenbiotech, Decibel Therapeutics, dédiée à la découverte et au développement de traitements pour restaurer et améliorer l’audition et l’équilibre. Decibel, aujourd’hui rachetée par Regeneron, mène depuis 2023 un essai clinique de thérapie génique* chez des enfants sourds avec la maladie génétique DFNB9. Cette dernière est causée par des mutations du gène codant pour l’otoferline, une protéine contribuant à la transmission des signaux des cellules ciliées aux neurones. Les premiers résultats de l’essai de thérapie génique sont très prometteurs. Des essais similaires sont en cours dans le monde entier, l’un d’eux est développé par la biotech française Sensorion**.

Les découvertes du Pr Ulrich Müller ont donc non seulement mis en évidence certains mécanismes fondamentaux de l’audition, mais elles ont également révélé de nombreuses cibles thérapeutiques potentielles utiles au développement de solutions médicales innovantes pour traiter la perte auditive ; un axe de recherche que le chercheur souhaite poursuivre à l’avenir. Son plus grand espoir aujourd’hui est que les enfants puissent à nouveau entendre grâce aux avancées scientifiques et que d’autres maladies, comme la perte auditive liée à l’âge et les acouphènes, puissent aussi être traitées à l’avenir.


* Traitement d’une maladie génétique par apport d’un gène normal ou par correction du gène anormal à l’origine de la maladie.

**La Fondation Pour l’Audition, l’Institut Pasteur et l’AP-HP sont partenaires du consortium académique RHU Audinnove lié à cet essai.

Citation
Recevoir le Grand Prix Scientifique de la Fondation Pour l’Audition est un grand honneur et une reconnaissance par mes pairs qui me touche. En tant que chercheurs, y compris dans le domaine de la recherche fondamentale, nous avons une responsabilité pour penser à des applications cliniques. L’aboutissement le plus important de mon travail est de parvenir à traiter les enfants.
Auteur
Ulrich Müller, Professeur de neurosciences et de biologie, titulaire de la chaire Bloomberg, Directeur du département des neurosciences du développement, Faculté de médecine de l’Université Johns Hopkins, Baltimore, États-Unis
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SA CARRIÈRE

Ulrich Müller est né en Allemagne. Il a étudié la biologie à l’Université de Cologne, se spécialisant en biochimie et en génétique moléculaire. Il a commencé à établir des liens avec les États-Unis pendant son doctorat, où il a effectué ses travaux de recherche sur l’adénovirus à l’Université de Princeton, dans le New Jersey. En 1991, il a rejoint l’Institut médical Howard Hughes de l’Université de Californie à San Francisco en postdoctorat et commencé à travailler pour la première fois dans les neurosciences du développement dans le laboratoire de Louis F. Reichardt. En 1997, il a créé son équipe de recherche à l’Institut Friedrich Miescher, à Bâle, en Suisse, avec pour objectif d’analyser le développement du système nerveux central. Il s’est ensuite intéressé aux neurosciences auditives et a rejoint en 2003 le Scripps Research Institute, à San Diego. En 2009, il est nommé directeur du Dorris Neuroscience Center à l’institut Scripps et professeur « Frank Kersshaw » de neurosciences. En 2013, il y est également devenu président du département de neurosciences. Il a rejoint l’Université Johns Hopkins en 2016 en tant que directeur des neurosciences du développement et professeur de neurosciences et de biologie titulaire de la chaire Blomberg.