BOUBENEC Yves
Statut du soutien : actif
Chercheur spécialisé en neurosciences à l’École Normale Supérieure à Paris, le Dr Yves Boubenec mène un projet original et ambitieux : son objectif est de découvrir les processus qui font émerger les premières représentations des sons dans le cerveau en développement, puis leur évolution pour parvenir au traitement auditif de la parole chez l’adulte.
Dès le ventre de la mère, la perception auditive est influencée par ce qu'entend le fœtus pendant les neuf mois de grossesse. Il réagit aux sons environnants, apprenant même l'accent maternel, qui influence les cris du nouveau-né. Ce processus se poursuit et le jeune cerveau apprend les caractéristiques particulières du monde acoustique environnant. Comprendre la parole et communiquer constituent des opérations complexes : elles font appel à la perception des unités acoustiques, à leur interprétation phonétique, syllabique, sémantique, pour finalement transmettre une signification abstraite. On connaît encore très mal la manière dont le cerveau en développement acquiert ces compétences. « Je pense que l'exposition aux sons dès le plus jeune âge façonne notre capacité à percevoir et à communiquer, argumente Yves Boubenec. Mon hypothèse est que cette exposition précoce est cruciale pour pouvoir séparer les sons pertinents du bruit acoustique d'arrière-plan. Le cerveau repérerait statistiquement les sons signifiants, puis créerait des catégories de syllabes et des codages associés, façonnant le système auditif. » C’est cette hypothèse que le chercheur souhaite investiguer au cours du projet.
Du nouveau-né à l’adulte, décrypter l’encodage de la parole
Afin de comprendre comment les sons entendus pendant l'enfance peuvent influencer la capacité à percevoir la parole, Yves Boubenec va mener cette étude en modèle animal. Il s’agit dans un premier temps d'élever de jeunes furets en les exposant continuellement à des flux de syllabes. Puis, devenus adultes, les individus seront soumis aux mêmes stimuli sonores et les réponses de leur zone cérébrale auditive enregistrées et visualisées. « Pour cela, nous utilisons notamment une technique innovante, la neuro-imagerie fonctionnelle par ultrasons. Elle permet d’obtenir une très haute résolution ! Le protocole a été élaboré pour pouvoir répondre à un panel de questions encore jamais abordées, par exemple celle des mécanismes de suppression des bruits de fond : un bruit de fond entendu dans l’enfance est-il mieux « effacé » qu’un nouveau ? Comment ces paramètres sont-ils codés dans le cerveau ? » Ces questions sont importantes car la capacité d’extraire la parole du bruit de fond est indispensable pour une bonne communication sociale chez toutes les espèces. Et c’est un ingrédient clé pour une perception efficace de la parole chez les humains.
« Notre projet propose une approche unique pour comprendre comment des représentations robustes des sons dans le cortex auditif émergent au cours du développement précoce du cerveau, et évoluent tout au long de la vie, de la naissance à l'âge adulte. » Ces connaissances fondamentales sont essentielles en soi, mais elles pourraient aussi permettre d’ajuster les méthodes de traitement du signal utilisées dans les audioprothèses. De quoi, par exemple, créer des environnements acoustiques favorables à l’apprentissage de la parole dès le plus jeune âge chez des nouveau-nés présentant des déficiences auditives ; ou contribuer à l’élaboration de stratégies inédites de réhabilitation de la perception de la parole dans le bruit.
« Le financement de ce projet contribuera à faire progresser les connaissances sur le traitement de la parole par le cerveau. Comprendre comment les sons entendus durant l'enfance influencent notre capacité à percevoir la parole permettra d’élaborer des stratégies innovantes de prise en charge de personnes sourdes et malentendantes à différents âges de la vie. »
Docteur Yves Boubenec
Chercheur, maître de conférences des Universités
Ecole Normale Supérieure, Laboratoire des Systèmes Perceptifs, Dept. of Cognitive Studies, Paris, France